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Autonome Santé

24 mai 2010

IADE...loin de dormir.

Vu dans "Le Quotidien du Médecin":

Mouvements sociaux à l’hôpital

Les clignotants sont au rouge

Les infirmières anesthésistes ont réveillé cette semaine, et de manière spectaculaire, l’agitation sociale à l’hôpital. Leur mouvement pourrait-il faire tâche d’huile dans une institution que d’aucuns disent « abasourdie » par la loi HPST ? À l’approche du vote des budgets annuels, le feu couve en tout cas dans les établissements.

DÉBUT D’INCENDIE ou feu de paille ? L’avenir dira si l’exaspération des infirmières anesthésistes (IADE) aura été l’un ou l’autre pour l’hôpital public. Étincelle il y a eu, en tout cas. Et, paradoxe – ou bien évidence, au choix – : ce sont bel et bien des professionnels du sommeil artificiel qui ont sorti l’institution de sa léthargie sociale, et ce pour… quelques points indiciaires.

Chez les IADE, le feu couvait depuis le début de l’année – février très précisément, et la signature au ministère de la Santé d’un protocole d’accord dit « infirmier » dont les termes (voir encadré) ne convenaient pas aux 7 500 infirmières spécialisées en anesthésie exerçant en France (à l’hôpital public, principalement, mais aussi en cliniques privées, dans le secteur à but non lucratif, dans les hôpitaux militaires…). Pour refuser ce texte, les manifestations se sont enchaînées (il y a eu le 11 mars, le 30 mars, le 5 mai), l’incompréhension avec le ministère de la Santé est chaque fois montée d’un cran. Jusqu’à mardi dernier où, réunis en cortège à Paris dans le cadre d’une grève reconductible entamée le 10 mai, les infirmiers anesthésistes ont atteint un tel niveau d’exaspération qu’ils ont spontanément occupé les voies de la gare Montparnasse et bloqué le trafic des TGV plusieurs heures durant. Ce qui leur a valu les honneurs du JT, des radios, de la presse nationale. Avant ce spectaculaire chambardement, les organisateurs du cortège (le SNIA – Syndicat national des infirmiers anesthésistes –, la CGT et SUD) espéraient être reçus au ministère de la Santé ; on leur a dit « non ». « On nous a dit : " Vous ne serez pas reçus parce qu’on a peur des débordements " », rapporte, précisément Marie-Ange Saget, la présidente du SNIA. En fait de « débordements », les pouvoirs publics ont été servis qui n’ont finalement pu, en fin de journée, que rencontrer les IADE en colère et leur faire un certain nombre de promesses (grade de master, réouverture de réunions de travail).

Dans l’intervalle, l’effet – doublé de la grève très suivi dans les hôpitaux, et qui paralyse en partie les blocs opératoires – a été spectaculaire. « Je suis très impressionnée, commente le Dr Nicole Smolski, présidente du SNPHAR (Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs). Il s’agit d’une mobilisation très forte qui se poursuit et qui monte dans le temps. Je n’ai jamais vu un mouvement aussi puissant dans les hôpitaux. Ces gens, que nous soutenons, ont le sentiment d’être méprisés. En fait de revalorisation, on leur propose en gros l’équivalent d’une séance chez le coiffeur par mois et on leur supprime, via la retraite, la reconnaissance de la pénibilité de leur travail ! » Le mouvement pourrait-il faire tâche d’huile ? « L’hôpital est un peu abasourdi par la loi Bachelot. Si on nous autorise à relever la tête, ça va être violent ! », pronostique le Dr Smolski. Présidente de l’INPH (Intersyndicat national des praticiens hospitaliers), Rachel Bocher reconnaît pour sa part avoir reçu « pas mal d’appel » après le coup d’éclat des IADE : « On me dit "Ils ont du cran, est-ce qu’on aurait osé faire ça ?". L’absence de dialogue social met les gens à bout. Il ne faut pas grand-chose pour que, par exemple, la psychiatrie démarre. »

Les fortes turbulences de l’AP-HP.

Il est patent que la grogne sociale s’intensifie dans les hôpitaux publics, à un mois du vote de leur budget annuel. Le premier d’entre eux a de nouveau fait la une des journaux cette semaine : des syndicalistes de l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) se sont invités à Hôpital expo, et ont perturbé l’inauguration du salon. Explications de Rose-May Rousseau, secrétaire générale de l’USAP-CGT : « Nous avons donné de la voix car nous avons l’impression d’aller à marche forcée vers les fermetures de lits et de postes. La concertation organisée par la direction de l’AP-HP vise à détourner notre attention des vraies questions – le budget, les suppressions d’emplois… La politique menée est uniquement comptable. Nous n’avons pas l’intention d’arrêter l’action. » Une réunion intersyndicale est envisagée pour arrêter les prochains modes d’action du personnel non médical de l’AP-HP.

Les médecins de l’AP-HP sont également sur le qui-vive, depuis qu’ils ont appris le détail des économies attendues pour 2010. « L’optimisation de la permanence des soins », à elle seule, devrait rapporter 3 millions d’euros. Près d’un millier de postes non médicaux ne devraient pas être reconduits cette année, d’après le siège de l’AP-HP. Opposés aux fermetures de postes « non médicalement justifiées », les chefs de pôle parisiens menacent à nouveau de démissionner de leurs fonctions administratives.

Les tensions sont palpables dans d’autres établissements, notamment au CHU de Nantes, où une grève en médecine interne dure depuis le 3 mai. Le mouvement est suivi par les deux tiers des aides soignantes, qui dénoncent le manque d’effectifs. « Il y a de l’absentéisme dans ce service, expose Hubert Jaspard, le directeur général adjoint. Nous embauchons des remplaçants, mais pas à 100 % comme le réclament les agents? » En un mois, le CHU nantais a connu cinq préavis de grève. Des signaux d’alerte qui ont pu être déminés à temps, à part en médecine interne où les aides soignantes ne décolèrent pas. Aux mécontentements locaux, se greffent les mots d’ordre nationaux : 71 % des infirmiers anesthésistes ont fait grève mardi au CHU de Nantes, contraint de déprogrammer une dizaine d’opérations. La grève a été reconduite mercredi. D’autres mouvements sociaux surgiront ici ou là dans les prochains mois « au gré de l’absentéisme », pronostique Hubert Jaspard.

Le CHU de Nantes, comme la quasi-totalité des CHU, est déficitaire. Son contrat de retour à l’équilibre a permis de réduire le déficit par trois en deux ans, mais reste d’importants efforts à faire pour résorber les 12 millions d’euros de déficit enregistrés fin 2009. En janvier, le CHU a décidé de supprimer quatre jours de congé pour tout son personnel – des jours qui jusqu’à présent étaient accordés en guise de bonus (temps d’habillage et de déshabillage), au-delà du miminum réglementaire. Le temps dégagé permettra de renforcer la présence soignante au lit du malade, et de limiter le recours aux intérimaires. Parallèlement, une mise à plat des effectifs est en cours. « Il s’agit de vérifier si les situations historiques sont en bonne adéquation avec l’activité. Les situations sont très hétérogènes d’un service à l’autre », observe Hubert Jaspard.

DELPHINE CHARDON ET KARINE PIGANEAU

Le Quotidien du Médecin du : 21/05/2010 (tous droits réservés)

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